Manama est en grande difficulté pour payer ses obligations islamiques arrivant à échéance à l'automne. Le taux de ses sukuks tourne autour de 9 %. « Il faut sauver Bahreïn ! » Les Etats du Golfe ont lancé le signal de la mobilisation. Arabie saoudite, Koweit et Emirats arabes unis mettent la dernière main à un plan de financement de Manama. Objectif : « soutenir les réformes économiques et la stabilité des finances publiques à Bahreïn », selon un communiqué officiel de Riyad. Au bord du défaut
L'urgence est réelle. Sans l'aide de ses riches voisins, l'Archipel se retrouvera au bord du défaut. « Le marché est focalisé sur les 750 millions de dollars de sukuks de Bahreïn arrivant à échéance le 22 novembre 2018, note Claudia Calich, responsable de la dette émergente chez M & G. Dans la mesure où les réserves de change du pays sont estimées à environ 2,1 milliards de dollars, le pays aura besoin de fonds supplémentaires pour les rembourser. » Le tableau est assez sombre pour le petit Etat pétrolier. Confronté à la baisse des cours de l'or noir, il a tardé à réagir. « L'ajustement budgétaire requis (la réduction de certaines dépenses telles que les subventions et les allocations, l'élargissement ou l'augmentation des taxes non pétrolières, y compris de la TVA) a été très lent », estime Claudia Calich. L'endettement a explosé, doublant en trois ans, et a atteint 90 % du PIB, selon le FMI. Le Fonds estime que le budget du Royaume ne peut être stable qu'avec un prix du baril à 100 dollars. Les investisseurs inquiets Cette situation inquiète les investisseurs. Manama a vu bondir à plus de 9 % le rendement de ces sukuks. Ce terme désigne un type d'instrument financier, proche d'une obligation, sans être un produit de dette. La charia, en vigueur dans le pays, interdit les prêts à intérêt. Le dinar local a atteint son plus bas niveau face au dollar en 17 ans. Un défaut du Bahreïn serait désastreux pour le marché de la finance islamique. Les rares cas où des émetteurs de sukuks n'ont pas fait face à leurs engagements concernant des entreprises. Des accidents qui n'ont pas rebuté les investisseurs. La faillite d'un Etat créerait un dangereux précédent. Et beaucoup d'incertitude. La restructuration d'une dette d'Etat est un exercice particulièrement long et difficile, comme l'ont encore montré récemment l'Argentine ou l'Ukraine. Surtout la structuration juridique des sukuks vient compliquer la donne. Une partie du contrat, celui sur l'apport des fonds est généralement soumis au droit britannique. L'autre partie, portant sur l'activité économique offrant le rendement, par exemple un crédit-bail immobilier, sont régis par le droit local. Et la compatibilité de l'opération à la loi islamique peut donner lieu à de nombreuses interprétations, comme l'a montré le scandale Dana Gas . Un régime juridique complexe Paradoxalement, la prime de risques de ces instruments « charia-compatibles » est moindre que celle des obligations classiques du Bahreïn. Le rendement des titres non-islamiques, en dollars, qui arrivent à échéance en 2022 est supérieur de 150 points de base à celui de sukuks à maturité 2024. « Cela s'explique en grande partie par le fort soutien local et la vigueur de la demande locale de sukuks par rapport aux obligations classiques au cours des dernières semaines, analyse Claudia Calich. Certains investisseurs locaux ne peuvent pas non plus vendre un instrument en dessous du pair car cela les obligerait à comptabiliser une perte sur la valeur de marché. » Ils pourraient également ne pas être autorisés à vendre en vertu de la finance islamique. Manama devrait sortir - momentanément - de l'impasse grâce à l'aide des Etats du Golfe. La seule annonce des discussions a fait retomber en dessous des 9 % le rendement des sukuks du Royaume arrivant à échéance à la fin novembre. Mais les marchés devraient rester sur leurs gardes. Les Echos
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