Malte la catholique veut devenir un centre de la finance islamique

Malte et ses 365 églises pour un peu plus de 400 000 habitants – est peut-être catholique romaine à une majorité écrasante (98%), ce n’est pas forcément sur cette religion qu’elle mise lorsqu’il s’agit de la place financière. Un petit groupe de financiers maltais voit plutôt un avenir dans la finance islamique.

David Zahra est l’un d’entre eux. Dans son bureau au cœur de la vieille ville poussiéreuse de La Valette, le jeune avocat est impeccable dans son costume. Même s’il doit bien reconnaître que, pour l’instant, ses efforts ne se sont pas concrétisés, il ne se décourage pas une seule seconde.

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«Après avoir mis en place le cadre de sa place financière, Malte doit se développer dans certains marchés de niche», explique ce diplômé de l’Université de Londres, où ses études post-doctorales l’ont conduit à s’intéresser au droit commercial des pays arabes, dont l’un des aspects était justement l’investissement conforme aux principes de la charia.

«La finance islamique constitue une niche possible», insiste-t-il. En 2008, Malte a accueilli une conférence sur le sujet et le secteur a poussé le régulateur à étudier sa compatibilité avec le cadre réglementaire en vigueur. Conclusion: «Les lois permettent de s’ouvrir aux fonds de placement conformes à la charia sans nécessiter de changement», explique Joe Bannister, président de la MFSA, le gendarme financier de l’île.

Passeport européen

Ainsi, des fonds enregistrés à Malte obtiendraient le passeport européen et pourraient être vendus dans toute l’Union européenne. C’est déjà le cas à Luxembourg, qui accueille quelques-uns de ces véhicules spécialisés.

David Zahra assure avoir senti de l’intérêt lors d’événements promotionnels dans le monde arabe. Il estime que le gouvernement doit aussi s’engager dans ce domaine et, à l’instar de Londres l’an dernier, émettre des sukuks, ces obligations conformes aux règles d’investissement islamique, qui interdit le versement d’intérêts, par exemple. «Cela permettrait de mettre Malte sur la carte mondiale des investissements islamiques», juge-t-il. Pour l’heure, si d’autres dans le pays disent avoir reçu quelques démonstrations d’intérêt, un seul dossier a été déposé, reconnaît le régulateur.Dans son lobbying, David ­Zahra admet avoir rencontré des obstacles, les connotations religieuses n’étant pas toujours bien vues dans les milieux d’affaires. Sans pour autant avoir été bloqué: «D’une part, ces fonds ne s’adresseraient pas à la population locale. D’autre part, l’aspect éthique de la finance islamique parle. Et il existe déjà un fonds éthique appartenant à l’Eglise, ce n’est pas limité à une religion, tout le monde comprend cela.»

Culture en commun

En outre, si la religion n’est pas partagée, la culture l’est davantage. La langue maltaise est d’ailleurs en grande partie dérivée de l’arabe. «Malte est un pont entre l’Europe et l’Afrique du Nord et le Golfe. Cela peut paraître cliché, mais c’est vrai. Et l’île a déjà servi de refuge pour les investissements de et vers la Libye», poursuit l’avocat. Ses efforts ont notamment eu un écho à l’Université de Malte, qui propose une nouvelle formation dans ce domaine.

John Sandwick, expert de la finance islamique, basé en Suisse, souligne que Malte n’a peut-être pour l’instant rien obtenu de ses efforts pour attirer les investisseurs dans ce domaine, mais qu’elle, au moins, essaie, contrairement à la Suisse, qui risque de rater une opportunité. Dans son rapport sur la compétitivité du marché de la finance islamique publié fin 2013, Ernst & Young a estimé que ce marché avait dépassé 1700 milliards de dollars l’an dernier et progressé de 17,6% par an en moyenne depuis 2008.

source: letemps.ch